dans la nuit de mardi à mercredi, aux alentours de 02:40 AM

Malgré l’heure tardive, Melvynn ne dormait pas, maintenu éveillé par son estomac. Pris d’un appétit nocturne, il s’avança vers la cuisine et ouvrit le réfrigérateur. Pour son plus grand bonheur, il y découvrit un magnifique fraisier encore intact. Un candidat l’avait sans doute réalisé plus tôt dans la soirée. Timidement, le garçon goûta le dessert fruité du bout du doigt. Emerveillé, il le sortit du frigo et s’en servit une petite part qu’il dévora armé d'une petite cuillère en seulement quelques minutes. Alors qu’il était sur le point de se couper une nouvelle part de fraisier, un habitant fit irruption dans la cuisine. Pris la main dans le sac. Le couteau à la main, il déclara :

« Je t’en coupe une part ? Je sais pas qui l’a fait, mais ce fraisier est putain de bon. »

Elle avait beau s’être couchée il y a un moment, rien à faire, la chaleur dans la chambre était étouffante et elle n’arrivait pas à se rendormir. Renonçant rapidement à tourner et virer pour ne pas réveiller son colocataire, elle finit par se glisser hors du lit puis de la chambre le plus silencieusement possible. C’était un peu étrange de se retrouver dans une maison silencieuse mais pas désagréable du tout. Un maillot des Chicago Cubs sur le dos en guise de pijama, elle se dirigea instinctivement vers la cuisine dans l’idée de prendre un verre d’eau bien fraiche pour le siroter à l’extérieur le temps que le sommeil refasse surface. Son idée tomba dans l’œuf cependant lorsqu’elle s’aperçue qu’elle n’était pas seule encore debout. Si sa mémoire était bonne, le jeune homme qui dévalisait le frigidaire, ou plutôt le fraisier avait un prénom qui commençait par Mel mais c’était tout ce qu’elle pouvait dire. « C’est gentil. Pour accepter et pour accepter et pour le compliment. C’est moi qui l’ai fait. » Elle n’était pas particulièrement douée en cuisine mais la pâtisserie, ça elle savait faire. « Mais je vais me contenter de boire quelque chose. Tu veux un verre pour faire passer tout ça ? » Alex se dirigea vers les placards pour attraper deux verres après lui avoir sourit. Après tout s’il n’en voulait pas elle n’aurait qu’à le ranger. Ouvrant le frigidaire, elle attrapa la bouteille et se servit en attendant la réponse du brun. « Tu n’arrives pas à dormir ou tu as attendu que tout le monde dorme pour profiter des bonnes choses? » Ce n’était pas une entrée en matière très percutante mais elle n’avait pas vraiment l’habitude de croiser du monde à la cuisine à cette heure ci et ne savait pas quelle conversation était de rigueur.

Alexa était pour lui ce que le Saint Graal était au Roi Arthur. Même vêtue d’un maillot de baseball, elle demeurait sublime. Il ne saurait l’expliquer, la demoiselle lui faisait perdre tous ses moyens. Lui qui détenait pourtant un ego des plus démesurés n’avait pas encore trouvé le courage de l’aborder en personne. Il n’aurait d’ailleurs jamais parlé de cette façon s’il avait su que c’était elle qui venait d’entrer dans la cuisine. Elle lui révéla alors qu’elle avait réalisé le fraisier, il se sentait tellement stupide. Les yeux écarquillés, il resta un moment abasourdi, la bouche entrouverte et le couteau toujours à la main. Elle lui souriait et lui proposait à boire ! Il était désormais grand temps de sortir de sa torpeur et de réagir.

« J’avais pas sommeil, juste très faim, et j’ai vu ce fraisier en ouvrant le frigo. J’y ai goûté, je l’ai trouvé très bon. J’ai pris la liberté d’en manger un bout, je savais pas que c’était toi qui l’avais fait. Il est vraiment délicieux, mais j’aurai peut-être mieux fait d’attendre tout le monde pour l’entamer. C’est pas réglo de ma part… » Répondit-il se voulant naturel et décontracté, trahi par ses joues devenues rosées. Pour éviter de passer pour un goinfre devant la plus belle de la maison, il abandonna l’idée de se resservir une part de gâteau et posa le couteau sur la table. Toujours aussi embarrassé, il reprit, tâchant tant bien que mal de ne pas la croiser directement dans les yeux :
« Oui, je veux bien un verre d’eau. Merci. »

La grande blonde resta un moment silencieuse face au comportement très silencieux du jeune homme avant de lui sourire à nouveau. Le silence, elle connaissait, c’était son arme de prédilection, son plus puissant bouclier aussi ne s’en formalisa-t-elle pas. Du moins croyait-elle qu’il allait rester silencieux puisqu’il se mit tout d’un coup à disserter sur le gâteau. Alexa esquissa un sourire en coin avant de se diriger vers le tiroir à couvert et en tirer deux fourchettes. « Je l’ai fais pour tout le monde, il n’y a pas de problème. » A vrai dire, elle-même n’était pas un fan incontesté des fraises mais en les voyant dans le frigidaire elle avait eu envie de faire un petit geste pour les autres candidats. C’était sa façon de dire qu’elle était contente d’être là sans vraiment ouvrir la bouche. Tendant une des fourchettes au brun, elle le questionna. « On partage ? » Elle ne voulait pas qu’il se sente coupable le moins du monde. A priori, il avait faim et elle ne voulait pas l’empêcher de manger. Aussi s’il fallait qu’elle prenne deux trois bouchées pour se faire c’était un sacrifice qu’elle se sentait de taille à affronter. Alex s’approcha de son colocataire et posa les deux verres désormais pleins d’eau près d’eux avant de s’accouder au plan de travail. « J’avais peur qu’il soit moins bon que d’habitude mais que tu le trouves bon me rassure. » Elle lui adressa un autre sourire avant de lever le regard vers lui. « Attends, il y a une meilleure façon de manger ça. » Elle lui fit son sourire le plus mystérieux avant de s’éloigner de lui pour aller baisser l’interrupteur et les plonger dans le noir. Elle n’avait pas vraiment pensé au retour mais arriva à lui en tâtonnant, lui rentrant dedans accidentellement. « Excuse moi. » Alexa s’empressa de reculer et finit par trouver le frigo et l’ouvrir. « Et voila, gâteau à la lueur du frigidaire. Ça empêche de voir tout ce qu’on s’enfile le soir avec l’équipe, c’est une technique qu’on a mit au point. Enfin bref, tu t’en fiches mais c’est plus convivial comme ça. » Elle s’approcha donc de nouveau de lui sans lui rentrer dedans cette fois ci. « Et puis tu peux manger autant de gâteau que tu veux sans que je le remarque ! » Elle lui lança un petit coup d’épaule avant de prendre un petit morceau de gâteau. « La plupart des gens m’appellent Alex. Tu as un surnom ? » La blonde était trop gênée pour lui demander son prénom mais elle pouvait ruser. Enfin, essayer.

Le New Yorkais saisit la fourchette et hocha la tête en guise de oui, piochant à nouveau dans le fraisier. Il la remercia également pour le verre d’eau d’un sourire amical, préférant rester silencieux pour dissimuler au mieux son embarras. En plus d’être sublime, Alexa semblait si douce et si gentille. Celle-ci se leva ensuite pour éteindre les lumières. Intrigué, Melvynn ne savait plus sur quel pied danser. D’un côté, il se sentait rassuré par l’obscurité. Dans le noir, il arriverait sans doute à cacher sa timidité plus facilement, elle ne distinguerait plus ses pommettes rosées. Mais d’un autre, il était privé de l’œuvre d’art qu’était le visage de sa colocataire. Et lorsqu’elle le toucha par accident, il fut parcouru d’un léger frisson. A la fois exalté mais terriblement gêné, il s’avéra incapable de prononcer le moindre mot. L’éclairage via le frigo demeurait alors le parfait compromis, idée qu’il approuva d’un nouveau sourire enjoué.

Melvynn se rappelait du prénom de la belle, comment l’oublier ? En effet, subjugué par la prestance de la demoiselle, il l’avait immédiatement retenu dès la première écoute. Et de toute évidence, il était bien trop intimidé pour l’appeler par un surnom. Pour lui, elle resterait l’inaccessible Alexa.
« Mes proches à NYC m’appellent Vynn. Dans la maison, Liam m’appelle Gamin. »

Puis, Melvynn plongea maladroitement son regard dans celui de son interlocutrice…
« Tu as des yeux magnifiques. » Balbutia-t-il entre deux bouchées de fraisier. Le voilà qui se remettait à penser tout fort. Et si elle avait interprété ses paroles comme une tentative de drague ? Parce que ce n’était définitivement pas le cas. Melvynn ne se voilait pas la face, il savait pertinemment qu’il avait aucune chance de charmer Alexa. Ici, le garçon était dans la cour des grands, loin des soirées étudiantes où il régnait en maître séducteur. Au sein du jeu, étant le candidat le plus jeune, il avait encore tout à prouver. Il tenta de se rattraper tant bien que mal, les joues écarlates : « Je voulais juste dire que tu as les yeux bleus… non pas que tous les yeux bleus soient magnifiques, les tiens sont très expressifs et j’aime bien. »
Un changement de sujet radical s’imposait, elle se disait faire partie d’une équipe.
« Tu pratiques quel sport ? »

Si elle sentait bien qu’elle rendait le jeune homme légèrement mal à l’aise, Alexa avait du mal à en trouver l‘origine. A priori, elle n’avait été désagréable avec personne et n’avait créé aucun problème donc sa réputation, inexistante par ailleurs ne pouvait la précéder. Mais une chose était certaine, elle pouvait faire que ce léger malaise s’en aille les laissant tous les deux sur une note positive de cette nuit. Après tout il paraissait très sympathique et la blonde n’avait aucune envie de lui être antipathique. Laissant son sourire et sa bonne humeur prendre le pas, elle baissa les lumières pour une ambiance plus cosy et il semblerait que quelque part, il en fut reconnaissant. Forte de ce progrès, elle piqua une fraise et la dégusta en silence, écoutant son super plan secret tomber à l’eau. Elle était stupide de croire qu’il n’allait pas se rendre compte qu’elle ne connaissait pas son prénom. Enfin, avant maintenant. Elle en déduisait au vu de ce dont elle se rappelait et ce qu’il venait de lui dire qu’il devait s’appeler Melvynn. Elle n’avait aucune idée de l’identité du Liam en question mais autant ne pas se ridiculiser d’avantage. « Désolée, je suis d’un naturel assez timide donc je n’ai pas encore osé t’approcher pour te demander ton prénom et là je ne voulais pas te vexer. Mais promis, je retiens aujourd’hui. Et j’oublie gamin, je ne suis pas encore en âge de surnommer les autres ainsi ! » Elle aurait eu l’impression d’approcher la quarantaine en l’appellant comme cela. Et puis pour le moment il ne méritait aucunement ce sobriquet.

Alors qu’elle venait de porter à ses lèvres une nouvelle fraise, ses joues se teintèrent d’un rouge cendré, la laissant heureuse que la lumière ait été baissée. Détournant rapidement le regard, elle se lança dans la contemplation du gâteau avec une attention fort décuplée. « Euh. Merci. » Après tout c’était un compliment, et elle était touchée par ce dernier qui paraissait plus que sincère mais elle ne s’y attendait pas le moins du monde. A vrai dire, en général on complimentait surtout ses jambes ou même son corps mais rarement ses yeux. Après l’explication de Melvynn, elle se mordilla la lèvres et esquissa un léger sourire. « Merci. » Ce dernier était plus appuyé que le précédent, ayant passé la surprise initiale. Elle s’apprêtait à lui dire qu’il n’était pas obligé de dire tout ça lorsqu’il changea brutalement de sujet. Ne voulant guère l’embarrasser, ou s’enlisée plus encore dans ce sujet, elle accepta cette nouvelle conversation avec un entrain peut-être un peu trop factice. « Je suis basketteuse. Professionnelle je veux dire. » Ce n’était pas juste le dimanche avec les copains. « Sinon je fais un peu d’escrime et j’aime beaucoup le baseball et la natation. » Trop d’information tue l’information. Elle en avait conscience aussi stoppa-t-elle l’examen de tous les sports qu’elle appréciait. « Tu es sportif ? » Tant qu’à tourner autour de ce sujet autant le faire bien. « Tu as suivi les jeux olympiques ? » Il devait probablement être pour les Etats-Unis et donc satisfait de leur parcours.

Tout en écoutant sa réponse, elle coupa un bout de gâteau qu’elle déposa sur une petite assiette et finit par s’assoire par terre, son dos appuyé contre le plan de travail. Son maillot, bien que beaucoup trop grand et donc peu flatteur couvrait à peine ses cuisses de moitié mais avec l’obscurité régnant dans la cuisine, elle se dit que ce ne devait pas être très important. Tapotant le sol à ses côtés, elle invita silencieusement le brun à la rejoindre. Elle posa le gâteau sur le carrelage et lui adressa un sourire engageant.

Melvynn ne pouvait lui reprocher quoi que ce soit, il n’avait lui-même retenu qu’une poignée de prénoms parmi l’ensemble des habitants. Il s’avérait toutefois touché que son interlocutrice ait finalement choisi d’abattre la carte de la franchise. Aussi, le garçon se sentit étrangement soulagé lorsqu’elle lui avoua être d’un naturel timide. Il ne l’aurait jamais imaginé, comme quoi les apparences étaient trompeuses. En l’occurrence, là c’était plutôt une bonne surprise. La demoiselle semblait en effet disposer de tous les atouts pour demeurer confiante et sûre d’elle. C’était rassurant car cela signifiait qu’elle ne surjouait pas de ses charmes et restait naturelle, ce qui la rendait d’autant plus attirante. En sa compagnie, le New Yorkais paraissait différent, intimidé, maladroit et particulièrement confus. S’agissaient-ils des premiers symptômes du coup de foudre ? Il ne saurait dire, il n’avait jamais ressenti une telle émotion auparavant. Liam pouvait témoigner, Melvynn l’avait trouvée sublime dès le premier regard.

« Ne t’excuse pas, je comprends. L’année est terminée et j’ai jamais pu mémoriser tous les prénoms de ma promo. Et dans la Maison, je n’ai retenu que celui de Liam et de Shakespeare… et le tien évidemment… » Il aurait peut-être mieux fait de ne pas mentionner ce dernier détail. Tentant de noyer le poisson, il s’empressa d’ajouter : « C’est cool que toi aussi tu aies refuser de jouer à action et vérité. »

Malgré la maladresse de son compliment concernant son regard azur, elle le remercia. D’ailleurs, il aurait cru apercevoir ses pommettes se teindre d’un rouge léger, malheureusement la lumière émise par le frigo était insuffisante pour confirmer une telle hypothèse. Il finit par se dire qu’il avait dû halluciner. Néanmoins, l’Américain ne parvenait plus à ravaler le grand sourire attendrissant dessiné sur ses lèvres. Il but quelques gorgées d’eau comme s’il cherchait à rafraichir ses joues écarlates. Elle lui déclara ensuite pratiquer le basketball en tant que professionnelle. Une image déroutante lui vint immédiatement à l’esprit, il l’imaginait driblant sur le terrain, vêtue d’un short et d’un débardeur rouge, sa longue chevelure blonde lâchée. Fantasme innocent. Lorsqu’il revint à lui, il réalisa qu’il n’avait toujours pas répondu à sa question. Oui, il était sportif.
« Pardon, je t’imaginais sur le terrain… avec la balle en train de dribler. » Il ne manquait jamais l’occasion de se taire. Elle appréciait la natation, un bon point pour lui.
« Je fais de la natation depuis je suis tout petit et je me suis mis récemment au water-polo. Je regarde aussi le hockey, sans surprise je supporte les Rangers. Et j’aime le football, j’ai été voir le Super Bowl avec mon frère à Indianapolis, ça valait le coup on a gagné ! Dis-moi que t’étais aussi pour les Giants ? » Parler de sport le détendait, il était content de pouvoir partager cette passion avec la jeune femme. S’il avait suivi les JO ? Évidemment.
« Bien sûr. Michael Phelps et Ryan Lochte sont de véritables sources d’inspiration pour moi. »

Désormais plus serein et décontracté, Melvynn rejoignit Alexa et s’assit à ses côtés face au fraisier. Cependant, son embarras ressurgit aussitôt lorsqu’il frôla la cuisse de la belle du revers de la main…

Contente qu’il ne le prenne pas trop mal, elle accusa tout de même le coup en comprenant qu’il parlait de l’année scolaire. Dieu, c’est vrai qu’il devait encore être à la fac ou quelque chose comme ça. Elle n’y avait pas pensé mais au vu de son jeune âge cela paraissait somme toute logique. Il pouvait tout aussi bien être en doctorat mais étonnement, elle en doutait fortement. Elle-même ne pouvait se vanter d’aucun diplôme, aillant arrêté les cours à la première année de faculté mais elle avait d’autres talents. A l’entendre dire qu’il avait retenu son prénom alors qu’il ne lui semblait pas le lui avoir dit en personne était quelque peu étrange mais rien de très important. Quant aux deux autres, inconnus à son répertoire. « J’ai repéré Dimitri, Leeven, Hades. » Qu’elle avait retenu à cause d’Hercule, il fallait voir ses références… « Principalement parce que je leur ai parlé en fait. » En soit que des noms d’hommes ce qui était très inhabituel de sa part d’ailleurs. « Et maintenant le tien. » Elle lui adressa un léger sourire avant de continuer. « Tu es étudiant alors ? » Question surtout rhétorique mais elle s’attendait à ce qu’il développe un peu tout de même.

Alex se rappelait l’avoir vu avec les autres au bord de la piscine alors elle ne comprit pas réellement la teneur de sa remarque. « Disons que je n’ai jamais aimé ce genre de jeu. Je crois qu’il faut être assez dévergondé pour y jouer et ce n’est pas mon cas. » Elle devait passer pour la grande casse pied de service. « Du moins pas alors que je ne connais personne. J’ai du mal à m’intégrer dans un groupe et je sais d’expérience que ce genre de jeu ne marche pas très bien. » Du moins pour elle. « Une fois en camp de vacances j’y ait joué et j’ai été catalogué Bulbizarre tout l’été pour avoir enfilé les vêtements de quelqu’un d’autre. Depuis, j’évite. » Non qu’elle voue une haine farouche aux Pokemons mais elle avait été quelque peu traumatisé par cet épisode.

La blonde ne se formalisa pas le moins du monde de la légère absence de Melvynn et en profita même pour terminer son verre d’eau. Esquissant un léger sourire en entendant qu’il l’imaginait sur le terrain, elle hocha la tête. « Je pourrais te faire une démonstration, bien que je pense qu’elle me rende beaucoup moins justice que ton imagination. » Effectivement, après une heure de jeu, elle avait l’air beaucoup moins fraîche. Parler de sport était facile pour elle, presque naturel et elle était contente de savoir qu’elle n’était pas la seule passionnée. « Un New-Yorkais. » Elle esquissa un sourire avant de soupirer en secouant la tête comme si c’était affreux. « A vrai dire sans surprise je suis pour les Bears de Chicago. Là bas l’esprit sportif est très dévoué à la ville alors je crois que c’est plus pour ça qu’autre chose ! » En Angleterre, elle ne s’était jamais vraiment intéressée au football américain et vouait un culte suprême à Beckham mais elle s’était laissée portée par le vent. « On peut dire que Phelps est une espèce de dieu de la natation. Sérieusement, c’est incroyable. Une vraie légende. » Surtout après ces jeux. « Je l’ai vu nager sa dernière course, du moins pour les j.o et je peux t’assurer que c’était vraiment é-norme ! » Incroyable, elle en avait eu des frissons partout. Alexa était tout à son explication et remarqua à peine que Melvynn venait de frôler sa cuisse nue. Après tout il était tard et elle avait l’habitude des conversations jusqu’à pas d’heure sur le sport, sans faire attention aux gestes tactiles. Principalement parce qu’elle avait ces discussions avec des filles. Elle se tourna vers Melvynn et finit assise en tailleur, sans penser le moins du monde à son absence de pantalon. « Tu pratiques quoi comme nage ? »

« Oui je suis en médecine. Je rentre en seconde année à Columbia. »
Melvynn avait un an d’avance, non pas qu’il ait sauté une classe, il avait simplement commencé l’école plus tôt. Il a reçu une éducation stricte et a fréquenté les meilleures écoles privées de New York. « Ma mère aimerait me voir devenir chirurgien. Moi je veux être ambulancier, apporter les premiers soins. » Assez parlé de lui, il ne voulait pas déjà commencer à ennuyer sa camarade.

De même, le New Yorkais avait trouvé l’idée de jouer à action vérité stupide, voire malsaine et déplacée. Il n’avait d’ailleurs pas hésité à faire part de son opinion au principal intéressé. Ce dernier, rebaptisé Richard à l’occasion, ne s’était pas montré particulièrement réceptif au point de vue du garçon. Lorsqu’Alexa raconta son anecdote de camp de vacances, il ne put s’empêcher d’éclater de rire. « Toi Bulbizarre ? Le Pokemon fouet-lianes ? Impossible ! » S’exclama-t-il avec humour. Elle était bien trop charmante pour écoper d’un tel surnom. Entre eux, les enfants peuvent faire preuve d’une cruauté sans précédent. Melvynn en savait quelque chose ; au lycée, il n’avait rien d’un ange.

« Avec plaisir pour la démo ! Non, je suis sûr que tu es très douée, et surtout très modeste. C’est tout à ton honneur. » Il fallait vraiment qu’il arrête de la complimenter constamment. C’était toutefois plus fort que lui ; il était sincère, il ne s’agissait pas d’un vulgaire baratin digne des plus grands beaux parleurs pour conclure avec une fille. Alexa se doutait sûrement de l’impact qu’elle avait sur lui, autant ne pas aggraver davantage son cas.

« Bien vu. » Grâce à la situation aisée de ses parents, Melvynn avait eu déjà l’occasion de voyager en Amérique et en Europe. New York City restait néanmoins omniprésent dans ses gènes. Il avait l’état d’esprit New Yorkais et en était plutôt fier.
« Chicago ? Je ne sais même pas pourquoi je demande, ça parait plutôt évident. » Ainsi il avait affaire à une charmante américaine originaire de Chicago.
« Et tu penses quoi des Knicks ? » Demanda-t-il d’un ton taquin, arborant un sourire espiègle. Les matchs de basket opposant les Knicks de New York aux Bulls de Chicago faisaient toujours sensation et ne laissaient personne indifférent.

Apparemment la demoiselle n’avait rien senti sur sa cuisse, Melvynn en était soulagé. Il n’arrivait pas à croire qu’il se laissait envahir par cette troublante timidité. Il ne s’était jamais senti aussi stupide aux côtés d’une fille.
« Je veux bien te croire ! Je l’ai rencontré il y a trois ans, il m’a signé une veste de survêtement. Je te montrerai si t’as l’occasion de passer sur NYC après le jeu… Je suis pas en train de t’inviter hein ! Je disais juste que si on continue de bien s’entendre par la suite, tu pourras dire que t’as un pote sur New York et je pourrais te montrer les trucs cool de la ville. Les meilleurs coins ne sont pas mentionnés dans les guides touristiques. » Le voilà qu’il recommençait à s’emmêler les pinceaux. Après une brève inspiration et le temps à ses esprits de retrouver leurs places, il répondit finalement à la question : « Je suis un papillonneur et un crawleur, je suis plus un sprinter. Je me noie sur les longues distances. Et toi ? D’intuition, j’aurai dit dossiste ou crawleuse ? »

Médecine. Elle devait avouer que c’était sacrément impressionnant. Un futur chirurgien. « Ouah. » En plus il n’était vraiment pas à la faculté la plus nulle du pays donc il devait être vraiment doué. Ou du moins être très investi dans ses études. Alexa qui n’avait jamais été une tête devait reconnaître qu’elle était toujours en admiration devant les gens qui avaient la volonté de choisir des études de médecine. Ou de droit. Enfin, toute sorte d’étude dont il fallait faire plus de cinq ans. « Un petit génie alors ? » Il n’était pas forcément au dessus de la norme mais ça dénotait un certain talent, une certaine mémoire. Elle lui adressa un sourire en coin et hocha la tête, quelque peu admirative. Finalement ce ne serait pas un chirurgien mais un ambulancier. C’était déjà excellent. « C’est téméraire. » A la fois de tenir tête à sa mère et de préférer le travail sur le terrain. « Moi ma mère, elle voulait seulement que je ne devienne pas comme mon père. » Information totalement inutile qui n’avait d’ailleurs rien à voir avec la conversation. Gênée de s’être allée à de telle confidence, elle rougie légèrement avant de détourner la tête pour observer le mur en face d’elle. Le changement de conversation était là, plus que bienvenu.

Son accident de camp comme elle l’appelait était resté secret des années durant. Elle ne savait pas bien ce qui dénouait sa langue mais visiblement c’était efficace. « Oui je sais, même à l’époque ce n’était pas tout à fait plausible mais que veux tu. » Les enfants. Ils leur avaient toujours suffit d’un rien pour l’embeter parce qu’elle mettait un certain temps à s’adapter. Alors au début, elle se laissait souvent marcher sur les pieds avant de reprendre les rennes. Ou de remettre les choses à leurs places. « Mais j’ai mit à point d’honneur à battre le garçon qui m’avait surnommé ainsi au départ à toutes les activités proposées ! » Ca avait été sa vengeance personnelle, bien plus efficace que des mots ou des coups. Elle se rappelait notamment de ce match de basket mixte où elle avait récupéré chaque ballon qu’il prenait. Un vrai plaisir. Sur le terrain, elle était magique. C’était son truc. Alex se doutait qu’il ne devait pas avoir eu beaucoup l’occasion de voir des basketteuses en action donc c’était logique qu’il se demande à quoi elle ressemble sur le terrain. « Il nous faudra un terrain, ou même juste un panier et je te fais ça. Et c’est gentil. » La modestie était effectivement un de ses traits de caractère principal même si elle n’avait pas grand-chose pour se vanter.

« Chicago. » Elle lui offrit un grand sourire avant de hocher la tête. C’était sa ville désormais et elle s’y sentait plus que bien à vrai dire. « Mon dieu, ne me lance pas là-dessus je pourrais y passer des heures. Bien évidemment qu’ils sont bons mais à Chicago ce sont des dieux aussi. Et je ne voudrais pas ternir leurs réputations mais ce sont des anges. Ils viennent souvent nous supporter lorsqu’on a un match important tout ça. Je suppose que les Knicks sont sympas aussi mais les Bulls ont acheté mon cœur ! » Elle avait passé pas mal de soirées ou d’entraînement avec eux et c’était toujours un plaisir de les voir jouer. Le basket masculin était bien plus extraordinaire que son pendant féminin et les matchs tournaient souvent en spectacle. Juste excellent.

La conversation sur le sport continua d’elle-même et Alex enfourcha une bouchée de gâteau tout en écoutant Melvynn narrer ses aventures sportives. « Fais gaffe, je te prends au mot ! » Elle aurait sans doute beaucoup à faire en rentrant mais après tout, un petit week-end à New-York devrait pouvoir se faire. Elle ne doutait pas qu’ils apprendraient à faire connaissance un peu plus au cours du jeu et qu’ils s’entendraient à merveille. « Crawleuse effectivement. Mais je préfère les longues distances en réalité. Je préfère nager longtemps que nager vite. C’est plus quelque chose que j’aime faire qu’un réel entraînement. On fait un deal ? Je t’entraîne à la piscine pour que tu gardes la forme et tu m’aides à ne pas m’encroûter ici ? Du genre course à pied tout ça. Enfin, dans les escaliers quoi ! » Il était vrai qu’ils n’avaient pas vraiment d’endroits où courir mais après tout, elle pourrait toujours nager. Elle tendit son poing vers lui pour qu’ils checkent. Enfin, s’il était d’accord.

Un petit génie, non il n’aurait pas cette prétention. D’un naturel ambitieux et résolu, le New Yorkais s’investissait pleinement dans tout ce qu’il entreprenait. La biologie et plus particulièrement les mécanismes du corps humain l’avaient toujours intéressé, il s’était donc naturellement tourné vers la médecine. D’autant que les dissections demeuraient ses cours préférés. Contrairement à l’image de playboy arrogant qu’il pouvait parfois laisser paraître, il aimait apprendre et étudier. Quant aux projets de la jeune femme, Melvynn ne préféra pas insister, bien trop timide et respectueux. Il voulait se montrer compréhensif, et non indiscret. Effectivement, il sentit qu’Alexa serait peut-être mal-à-l’aise d’en révéler davantage sur son père. Il serait là pour elle si jamais l’envie lui venait de se confier, néanmoins il ne la pousserait pas à parler.

Melvynn continuait de déguster progressivement le fraisier, pour le plus grand bonheur de ses papilles, tout en écoutant Alexa racontait la suite de son anecdote qui lui extirpa un nouvel éclat de rire. Autrement dit, mieux valait ne pas se mettre à dos la vengeresse déterminée, au risque de se voir sévèrement humilié. Leçon retenue. Concernant la démonstration de basket, la production pourrait sûrement au fil du jeu aménager un panier à l’extérieur de la maison.

« J’ai tout mon temps ! » Répliqua-t-il avec humour. Il n’avait pas souvent l’occasion de discuter basket avec une si jolie demoiselle. Cette première conversation qu’ils partageaient semblait souligner de nombreux points qu’ils avaient en commun. Sensation agréable. « Tu peux me prendre au pied de la lettre, je suis sûr que tu te plairas à NYC. Et je compte bien passer à Chicago, ne serait-ce que pour t’encourager aux côtés des Bulls pendant l’un de tes matchs. Je serai ton meilleur supporter, je mettrai même un gant en mousse géant. »

Elle lui proposa ensuite de l’entraîner au bord du bassin contre des séances sportives pour l’aider à conserver sa silhouette parfaite. Inutile de réfléchir longtemps, marché conclu. « Deal ! Je n’aurai aucun mal à imaginer quelques exercices, prépare-toi à souffrir… » S’exclama-t-il en checkant, poing contre poing. Il n’avait d’ailleurs aucune difficulté à la visualiser comme sa coach personnelle, c’était même plutôt flatteur pour lui.

Une autre question lui brûlait les lèvres, la réponse ne le regardait pas, même si elle concernait exclusivement le jeu. Après mures réflexions, ses joues à nouveau écarlates, il se lança : « Vie amoureuse chaotique ? » Le casting de l’émission s’adressait avant tout à ceux brisés par l’amour et désireux de rencontrer enfin l’âme sœur. Il se sentait extrêmement gêné d’aborder ce sujet et espérait qu’Alexa n’interpréterait pas son geste d’un mauvais œil.

Alexa parlait très rarement de sa vie privée ou même de son enfance. C’était quelque chose qu’on lui avait souvent reproché mais elle avait du mal à déterrer tout ça. Certaines plaies étaient encore à vif et elle n’avait aucune envie de jeter du sel dessus. Aussi fut-elle très reconnaissante à Melvynn de ne pas remarquer sa remarque cynique sur ses parents. Elle n’avait aucune envie de se lancer dans une conversation de ce genre à cette heure ci et surtout si tôt dans l’aventure. Elle lui offrit un sourire désolé pour sa remarque légèrement déplacée. Ce n’était pas son genre et elle n’allait sûrement pas le souler avec ses histoires de famille. Le basket était bien plus intéressant. Alex ria légèrement a la boutade du jeune homme et secoua la tête. « Non mais je t’assure, je suis intarissable. Une vraie pipelette lorsqu’il s’agit de basket. » Un moulin à parole plein d’entrain. Elle avait tendance à s’emporter à grand renfort de gestes et d’explications interminables. « Je n’y suis jamais resté plus d’un jour ou deux donc je ne peux que te croire sur parole. » Elle n’avait jamais rêvé de visiter New-York ou d’arpenter Broadway lorsqu’elle était plus jeune, aussi ne l’avait-elle pas encore fait. Mais c’était peut-être l’occasion. « Mince, moi qui pensait que tu jouerais les pom poms boys ! » Quel humour dévastateur… « En tous les cas, j’aurais plus de plaisir à te faire visiter Londres, j’y connais tous les moindres recoins ! » Préférant gambader plutôt que gamberger, elle avait souvent fait l’école buissonnière pour errer sans but à travers la ville.

Sa forme physique était vraiment en danger avec un jeu comme celui-ci mais avec un copain de sport, ça irait déjà mieux. Elle lui sourit et récupéra son poing après leur check d’alliance. « Je t’assure, tu vas souffrir tout autant ! » Alex n’était pas tout à fait sérieuse mais elle avait bien dans l’idée de souffrir. Elle posait sa fourchette sur l’assiette lorsque Melvynn aborda une question qu’elle avait jusqu’ici réussie à éviter. Se mordillant la lèvre d’embarras, elle prit quelques secondes de reflexion avant d’opter pour la vérité toute crue. « Disons plutôt inexistante. Mon premier amant est le basket alors après, c’est compliqué. » Elle n’était pas une femme à homme, ou peu importe le nom que prenait ce genre de fille et par conséquent, n’avait pas beaucoup de petits amis à son compteur. « Et toi, tu n’es pas un peu jeune pour avoir peur de ne pas trouver l’amour ? »

« Je ne risquerai pas de te déconcentrer dans un minishort en agitant des pompons ? » Répondit-il amusé. Il risquerait d’être d’un ridicule sans précédent dans le rôle d’un pom pom boy. Alexa lui confia ensuite préférer se focaliser sur le basket que sur les garçons. Selon lui, c’était uniquement parce qu’elle n’avait pas encore trouvé le bon, celui qui serait en mesure de captiver immédiatement son attention. Il se garda toutefois de commentaire, il savait écouter sans porter un quelconque jugement.

« Pour être honnête, je ne sais pas encore si je dois prendre cette aventure au sérieux. C’est mon grand frère qui m’a inscrit à ce jeu. » En effet, malgré de bons résultats scolaires, Melvynn avait toujours été un enfant perturbateur, avec de sérieux problèmes de discipline. Il cherchait constamment à provoquer son entourage, parlant sans langue de bois, quitte à choquer constamment pour exister. Le sexe était pour lui un jeu, un excellent moyen d’attirer l’attention et de briser les tabous de la société. Il se moquait éperdument de la religion au grand dam de sa mère qui l’avait pourtant élevé en respectant les valeurs traditionnelles catholiques. Son frère aîné était convaincu qu’une telle émission pourrait lui remettre les idées en place. Trouver la perle rare, ou du moins une femme à qui s’attacher, ne pourrait que l’assagir. Comment avouer une telle confession sans faire fuir Alexa ? De toute évidence, enfermés ensemble entre 4 murs, ce n’était qu’une question de jours avant qu’elle ne découvre sa vraie personnalité. La jolie blonde l’intimidait plus qu’il ne saurait l’admettre. « Je ne suis même pas sûr de croire en l’amour… » Le douloureux divorce de ses parents ne faisait qu’accentuer ces craintes. Le New Yorkais avait baissé les yeux, trop honteux pour soutenir le regard d’Alexa.
« Je suis un connard… Je provoque pour faire réagir, pour exister, pour qu’on s’intéresse à moi. Je peux pas m’en empêcher. »

Un léger rire sortit des lèvres d’Alex tandis qu’une image précise de Melvynn en jupette plissée et haut découvrant son nombril s’imposait à son esprit. « Tu as peut-être raison effectivement ! » Elle serait sûrement prit d’un fou rire incontrôlable et oublierait du coup de jouer. Mais l’idée eut pour effet d’imposer à ses lèvres un sourire joyeux. Elle qui comptait seulement faire passer le temps en observant les étoiles pour trouver le sommeil trouvait cette conversation bien plus intéressante. Ce n’était pas une heure très convenable pour frayer connaissance mais après tout c’était peut-être aussi cela qui rendait la scène plus simple. Ils n’y avaient pas vraiment eues les fioritures habituelles du début de conversations, les blancs gênés, les questions existentielles que l’on se sent obligées de poser. Tout s’était déroulé naturellement, sans heurt. Jusqu’à avoir une conversation à cœur ouvert sur l’amour, leur aventure. De son côté, elle s’était elle-même engagée là dedans mais avait le soutient de son équipe derrière donc elle pouvait parfaitement concevoir que le frère de Melvynn ait voulu l’inscrire. N’en connaissant pas les raisons, elle se contenta de hocher la tête, attendant un peu plus de détails qui arrivèrent rapidement.

« Je n’ai jamais rencontré l’amour. Conventionnellement parlant en tous les cas. » Elle n’avait pas réellement reçu d’amour de ses parents et n’avait jamais laissé personne pénétrer cette carapace qu’elle s’était forgée. Seuls certains amis proches pouvaient se targuer de pouvoir aimer la belle en toute connaissance de cause. Elle-même avait peur de ne pas savoir comment faire pour aimer. Elle avait aimé, inconditionnellement une mère qui elle, n’avait jamais pu trouver la force de le lui rendre. On ne se remet jamais vraiment d’une mère qui ne vous aime pas. « Je ne suis pas certaine de savoir comment faire pour aimer. Mais surtout être aimée. » Elle y croyait cependant. Elle avait foi, foi en l’amour, en la capacité d’un homme, ici bas de lui faire ouvrir les vannes, les portes et les nombreuses murailles qu’elle avait érigée. Dans ses pensées, elle faillit ne pas entendre la confession du jeune homme. Étonnée, elle releva le regard vers lui et l’observa longuement. « Je comprends. » Elle, avait fait complètement l’inverse. Elle s’était effacée, laissait les autres remplir le premier plan de sa vie. Elle avait souvent l’impression d’avoir choisi la facilité. « Pourquoi pas avec moi ? » Cette question la taraudait étrangement. Il ne l’avait pas poussé au bord de ses retranchements, bien au contraire. Elle ne comprenait pas, ne le voulait peut-être pas aussi.

« L’amour ne se rencontre pas, il te tombe dessus sans crier gare… C’est ce qu’on m’a dit en tout cas. Tu penses que ça peut t’arriver ici ? » Non il ne pensait à lui, du moins il s’efforçait tant bien que mal de chasser cette idée de la tête. Alexa ne jouait pas dans sa catégorie et pouvait trouver mieux. Elle se révélait bien au-dessus de tout ce qu’il aurait pu espérer. Physiquement, elle était parfaite. Moralement, de ce qu’il avait pu découvrir jusqu’à présent, elle avait également plusieurs qualités qu’il saurait apprécier. Pourtant, une partie de lui refusait de continuer à s’attacher davantage au risque d’être terriblement déçu. Elle lui plaisait tellement. A ses côtés, il demeurait si impuissant.

Comment faire pour être aimé ? A vrai dire, le New Yorkais ne connaissait pas la réponse. D’après certains, il suffisait simplement de rester soi-même. Pour d’autres, il fallait se sentir bien dans sa peau et se montrer patient. Melvynn osa enfin plonger son regard dans celui de son interlocutrice avant de lui répondre : « Je ne pense pas que ce soit quelque chose que l’on puisse contrôler. A ta place, je ne me ferais pas trop de souci. Tu as tout pour être aimée. Certes, je ne suis pas sûr d’être le plus objectif sur la question… » Trop tard, il en avait déjà trop dit. Il tourna son visage vers le fraisier et s’empressa d’en porter une nouvelle bouchée à ses lèvres.

« Parce que toi tu es différente… » Que devait-il répondre ? Qu’elle l’intimidait énormément ? Ce ne serait que souligner une évidence. Seconde tentative. Encore plus embarrassé, il reprit : « Parce que je ne veux pas tout faire foirer avec toi… » A cet instant, il avait juste envie de disparaître de la surface de la Terre. Il était vulnérable, à sa merci.

L’amour. Alex savait que c’était difficile de parler de choses sans jamais les avoir expérimentées. Mais elle pouvait toujours échafauder des théories et espérer. Après tout, l’espoir fait vivre. Si elle pensait rencontrer l’amour ici ? Par réellement. Du moins pas de manière spectaculaire. Elle avait tout de même conscience que c’était un jeu et que les relations à l’extérieur seraient complètement différentes de celles qu’ils pourraient entretenir dans la maison. « Je ne pense pas. Mais on ne sait jamais. » Surtout si l’amour lui tombait dessus, elle espérait qu’il ne serait pas trop lourd histoire qu’elle puisse tout de même se relever après. Hors de question de devenir comme toutes ces midinettes qui patientaient des heures auprès du téléphone pour un coup de fil. « Et toi ? » La blonde lui retourna sa question, sincèrement curieuse de savoir ce qu’il pensait.

Nouveau rougissement côté Merit. Elle détourna le regard, légèrement gênée de la réplique de Melvynn mais curieusement appréciée. C’était toujours agréable de s’entendre dire des choses pareilles, même si cela venait d’un quasi inconnu un peu trop jeune pour elle. « C’est gentil. Même si pour ma part je pense que j’ai un bagage un peu trop lourd. Mais je ne désespère pas. Quand je serai vieille et que je vivrai avec mes six chats peut-être que je commencerai à paniquer ! » Elle rit légèrement de sa boutade tout en priant pour que cela n’arrive jamais. Elle n’aimait pas les chats en plus.

Si Alex comprenait pourquoi il avait besoin de se mettre en avant comme il pouvait, elle n’arrivait pas à saisir pourquoi il ne l’avait pas fait avec elle. Parce qu’elle était différente était une réponse étrange. La blonde n’arrivait pas vraiment à saisir si c’était une bonne ou une mauvaise chose. Elle saisit à sa dernière remarque que ça semblait grandement positif. Alex lui sourit, déplaça l’assiette puis son postérieur pour se rapprocher de Melvynn et le prendre brièvement dans ses bras. « Tu gâcheras rien. » Elle déposa un baiser sur sa joue avant de reprendre sa place initiale puis de se lever. « Allez, c’est l’heure d’aller dormir, je ne veux pas que tu sois une loque pour l’entraînement demain ! » La jeune femme lui tendit la main pour l’aider à se relever, même s’il n’en avait pas le moins du monde besoin.

« Cupidon est imprévisible mais si l’envie lui prend de décocher ses flèches, je saurai l’accueillir. » Autrement dit, dans un jeu comme celui-ci, le New Yorkais devait s’attendre à tout. Il était toutefois encore trop jeune pour philosopher sur le grand Amour. Il préférait ne pas y réfléchir, se laissant pleinement guider par son intuition. Et s’il tombait amoureux en cours de route, il affronterait la situation et ses sentiments en temps voulu. Pour le moment, tout ce qui l’importait était Alexa l’inaccessible. Elle lui plaisait à un tel point qu’il n’osait la séduire.

La remarque de cette dernière lui extirpa un nouveau sourire amusé. Il avait du mal à l’imaginer en vieille fille, entourée de six chats. Non définitivement, elle n’avait aucun souci à se faire. Il y mettrait sa main à couper, Alexa ne vieillirait pas seule. Melvynn garda néanmoins cette pensée pour lui-même, continuant d’espérer en son for intérieur qu’elle ne soupçonnait pas l’attirance qu’il éprouvait à son égard. S’il restait discret quant à ses émotions, ce qui n’était visiblement pas son fort, elle n’aurait pas à lui mettre un râteau et il pourrait devenir son ami.

Alexa le prit dans ses bras avant de déposer une bise sur sa joue. Pourquoi se sentait-il aussi vulnérable ? Ce n’étaient qu’une étreinte et une bise. La jolie blonde possédait le don de briser sa carapace. Lui d’un naturel provocateur et déterminé, se révélait totalement sans défense.
« Okay Coach ! » Répondit-il avec humour. Il prit sa main et se leva à son tour. Ensemble ils se dirigèrent vers leur chambre respective.

topic terminé